Partis du projet de réaménagement d’une vaste place, les travaux engagés à Salon-de-Provence se sont d’abord intéressés aux Cours qui encerclent le centre-ville. Avec le béton désactivé comme facteur d’unité esthétique.

Bouches-du-Rhône

La ville de Salon-de-Provence, proche d’Aix, Marseille et Arles, en bordure de la plaine à l’espace parfaitement fini de la Crau, s’interrogeait, depuis plusieurs années, sur le devenir de son centre, et notamment d’une grande place d’environ deux hectares dont la requalification devenait urgente.

“Un marché de définition fut donc lancé, qui montra très vite qu’il fallait envisager le problème posé, de façon beaucoup plus large pour rester cohérent et englober dans cette réflexion les Cours du centre- ville, vitaux pour l’activité économique car ils accueillent de nombreux commerces” explique Guillaume Leclerc, Directeur général des Services techniques de la ville.

Débuter par le centre-ville

Pour Guillaume Leclerc : “Nous avions de sérieux soucis en matière d’hygiène publique sur ces voies qui font le tour de la ville, avec notamment l’absence de réseaux d’eaux pluviales. Jusqu’ici, tout se déversait dans le canal de Crapone, un ouvrage datant de la Renaissance et destiné à irriguer la plaine de la Crau, mais nous étions également en butte à des défaillances de l’assainissement et de l’eau potable, car il existait encore d’anciennes canalisations en plomb”.

Une fois tous ces éléments mis au jour, le maire de la ville a considéré qu’il était cohérent de débuter le travail de restructuration du centre-ville par les Cours qui en font le tour. Sans même parler de l’aspect de ces avenues qui, comme dans beaucoup d’autres villes, offraient au regard une mosaïque de revêtements différents et des problèmes de planimétrie, de stationnement, de déplacements…

Partager les espaces

Au total, le chantier aura concerné pas moins de 10 000 m2 sur l’ensemble de la ville. Concepteur de ce grand bouleversement urbain, l’architecte-paysagiste montpellierain Alain Marguerit, a tenu à repenser complètement les schémas en place et à procéder à une redéfinition complète de l’espace urbain constitué par ces Cours : “Nous avons souhaité, le plus souvent contre l’avis de départ des différents utilisateurs, replacer dans cet espace la voiture à l’écart des piétons ou des autres moyens de circulation. Il nous a donc fallu lutter contre le discours naturel qui tendait à vouloir multiplier les places de stationnement et les voies de circulation qui ont finalement été réduites de deux à une. Mais nos interlocuteurs ont compris qu’un cœur de ville, même pour les commerçants, ne fonctionne pas mieux quand les voitures peuvent circuler partout. Nous avons donc travaillé sur la notion de partage: une voie est laissée aux voitures et le reste de l’espace, largement majoritaire, donne la priorité aux piétons” explique Alain Marguerit.

Trois matériaux figurent aujourd’hui sur les Cours : de l’enrobé pour les parties roulantes et pour les places de stationnement, et un pavage de pierres calcaires et du béton désactivé pour les trottoirs.

Ce choix des matériaux a permis de répondre à plusieurs problématiques, comme le précise Alain Marguerit: “Nous avons préconisé le béton désactivé lors de ce projet pour remplacer la pierre que le budget ne nous permettait pas d’avoir, mais aussi pour mettre en lumière l’éclairage du site. Parce qu’il est plus utile et efficace d’avoir un sol clair que sombre, pour profiter au mieux de l’éclairage nocturne, particulièrement travaillé à Salon-de- Provence, dans le cadre de ce projet”.

Le béton désactivé a été choisi de couleur claire, ce qui permet de valoriser l’éclairage nocturne des principales rues de la ville.

Recherche de rendement

Guillaume Leclerc ajoute une autre dimension encore à ce choix : “La commune n’avait pas les moyens d’un pavage intégral : nous avons donc cherché un matériau plus noble que l’enrobé et qui se mette en place rapidement. Nous avions, en effet, besoin d’un rendement relativement important pour rendre la voie, longue d’un kilomètre, aux habitants et aux commerçants : ces derniers sont, en effet, plus de 300 à posséder une vitrine sur cet espace”.

Le béton désactivé est idéal puisqu’il permet d’ouvrir de nouveau les trottoirs et les accès, à peine 24 heures après avoir été coulé. Passés les travaux de reprise des différents réseaux, les bandes structurantes de pierres naturelles ont été mises en place, puis le béton coulé et désactivé. “Lorsque nous en arrivions à ce stade, les commerçants étaient le plus souvent ravis, car ils savaient qu’ils étaient au bout de leur peine” témoigne encore Guillaume Leclerc.

Les deux granulométries employées permettent aussi de distinguer les espaces au sol. Le maître d’œuvre a voulu une reprise de la linéarité des façades qui présentent, comme dans de nombreuses villes, des différences d’alignement.
L’ensemble est équilibré par une bande de béton désactivé, réalisée avec un granulat plus fin, séparée du reste du trottoir par une bande de pavés calcaires.

Les dalles ont été coulées sur
15 centimètres d’épaisseur pour les parties piétonnes et sur 20 centimètres pour les parties circulées, épaisseurs qui convenaient parfaitement à l’architecte- paysagiste Alain Marguerit : “Dans ce genre d’aménagement, il ne faut pas se limiter à un effet pelliculaire. On se doit d’œuvrer avec de bonnes épaisseurs de béton”.

Qualité environnementale

L’ensemble de l’opération, qui aura duré un an et demi, a coûté 7 millions d’euros, dont 4,5 millions pour les travaux.
Guillaume Leclerc poursuit : “Nous serons bientôt dotés d’un aménagement d’une grande qualité et les premières réactions que nous avons des usagers sont très positives. Nous avons eu affaire à des entreprises qui connaissaient parfaitement leur métier, nous apportant un savoir-faire véritable. Enfin, pour l’entretien de ces bétons très clairs, nous prévoyons des solutions de nettoyage soit en interne, soit en faisant appel à des prestataires de service, une à deux fois par an”.

Soucieux à l’extrême du devenir de ses réalisations, Alain Marguerit a tiré les leçons du passé, qui utilisaient des formules de béton compliquées, avec des granulats de provenances différentes : “Pour le problème posé par les réparations des dalles, dans le cadre des démarches de Haute Qualité Environne- mentale, par exemple, nous nous attachons aujourd’hui à travailler avec des granulats extraits à proximité, dans un rayon maximum de 50 kilomètres. Nous imposons aux entreprises de travailler avec des carrières proches, en pleine activité, pour pouvoir retrouver, si cela s’avère nécessaire, la formule exacte plus de cinq ans après la réalisation”.

Le nouveau visage des Cours de Salon-de- Provence est donc parfaitement inscrit dans le long terme qui est, par nature, le temps de toute la Cité.

L’espace alloué aux voitures a été ramené à une plus juste proportion, grâce aux trottoirs en béton désactivé qui offrent un large domaine aux piétons.

Routes N°98 – Décembre 2006